HISTORIQUE

La médecine était rudimentaire et l’assistance médicale très réduite. Elles étaient assurées par des empiriques (médecins tolérés), supervisés par un amine, sorte de chef de corporation désigné par le Souverain.

À Tunis, un seul établissement réservé aux Musulmans, l’hôpital Sadiki, hébergeait les chroniques et les aliénés. À l’intérieur, deux infirmeries-dispensaires fonctionnaient, l’une à Sousse, l’autre à Sfax. Des lazarets installés dans les principaux ports et dans les îles Chikli et Zembra étaient destinés à l’isolement des malades lors des épidémies.

Les Israélites n’étaient pas mieux lotis. Leur assistance relevait de sociétés de bienfaisance financées par les dons et les cotisations de leurs adhérents.

Les Italiens et les Maltais disposaient d’une infirmerie sise à la rue des Teinturiers, et les Français étaient soignés dans un petit hôpital de huit lits, l’hôpital Saint Louis, rue Sidi Saber. En 1880, sous l’impulsion du cardinal Lavigerie, cet hôpital fut transféré, rue Sidi Ali Azzouz, dans une caserne désaffectée plus spacieuse.

Les princes et les classes aisées de la population étaient soignés par des médecins étrangers.

Selon Henri Dunant[1], le fondateur de la Croix Rouge internationale, vingt médecins, tous étrangers, appartenant à dix nationalités différentes exerçaient, en 1858, dans la capitale tunisienne.

[1] Dunant H. La Régence de Tunis, STD Tunis 1975,  pp.229-30.

Avec l’instauration du protectorat, en 1881, l’administration développa les instruments de sa politique. Elle lança un appel pressant à des médecins français de haut niveau pour venir en Tunisie, afin d’atténuer l’influence des médecins italiens et compenser leur nombre. Elle procéda au renforcement des mesures de quarantaine et instaura une police sanitaire maritime pour parer aux épidémies.

En 1886, un hôpital militaire fut érigé dans le quartier d’El Omrane, avec quatre annexes à Sfax, à Gabès, au Kef et à Gafsa, indépendamment de l’hôpital Sidi Abdallah, créé en 1899, près de Bizerte, destiné à la marine française.

Le Journal Officiel de Tunisie de l’année 1892 indique que la Régence comptait 106 médecins dont 47 étrangers diplômés exerçant à Tunis et dans les grandes villes et 59 médecins tolérés, pour la plupart musulmans, répartis sur tout le territoire.

En 1894, un hôpital israélite fut créé à l’initiative des médecins juifs livournais.

En 1898, l’hôpital Civil Français remplaçait l’hôpital Saint Louis. Il comprenait à ses débuts 190 lits. D’abord réservé aux Français, il fut, en 1925, ouvert aux israélites.

La colonie italienne ne pouvait demeurer en reste. En 1900, elle édifia sur la colline de Montfleury, un grand hôpital de 200 lits financé par ses ressortissants, avec la contribution du gouvernement italien.

En 1899, le Dr Brunswick-Lebihan, interne des hôpitaux de Paris, arrivait en Tunisie. En 1902, il fut promu au poste de directeur et de chef de service de Chirurgie de l’hôpital Sadiki. Animateur de talent, il créa une école d’auxiliaires médicaux et organisa un service de médecine qui fut confié au Dr René Broc, assisté par le Dr Hassine Bouhajeb, deuxième médecin tunisien diplômé des facultés françaises. Une femme, le Dr Gordon, assurait la consultation féminine.

Le 23 décembre 1902, Charles Nicolle débarquait à Tunis. Il remplaçait à la tête de l’Institut Pasteur le Dr Adrien Loir. Je ne m’étendrai pas sur l’œuvre scientifique de Charles Nicolle. Vous savez qu’elle lui valut, en 1928 le Prix Nobel de Médecine pour ses travaux sur le typhus exanthématique, en 1929 son élection à l’Académie des Sciences et en 1932 sa nomination à la Chaire de Médecine expérimentale au Collège de France.

Il convient de mentionner le rôle joué par le Dr Ernest Conseil, proche collaborateur de Charles Nicolle. Directeur du Bureau d’Hygiène de la Municipalité de Tunis en 1909, il s’illustra dans la lutte contre les épidémies avec un dévouement exemplaire, dépistant les malades qu’il isolait dans le lazaret de La Rabta. Ce lazaret, rattaché à l’hôpital Sadiki en 1912, prit le nom d’Hôpital des Contagieux en 1924, puis celui d’hôpital Ernest Conseil en 1930.

Il convient également de signaler, parmi les noms illustres, le Dr Étienne Burnet, 3ème directeur de l’Institut Pasteur en 1936,  qui mit en exergue les disparités entre les diverses communautés en matière d’alimentation et de tuberculose.

En 1927, l’hôpital des maladies mentales de La Manouba vit le jour.

Dans les années 30, les grands fléaux (peste, choléra variole, …) étaient pratiquement maîtrisées.

En 1932, un corps de près de 200 infirmiers itinérants fut créé pour la lutte antipaludique.

Selon le quotidien Ezzohra, du 13 octobre 1934, le nombre de médecins qui exerçaient en Tunisie était de 340, dont 203 dans la capitale.

En 1939, le Préventorium de l’Ariana ouvrit ses portes.

En 1944, l’hôpital civil français fut dénommé hôpital Charles Nicolle et l’hôpital italien prit le nom d’hôpital de la Libération, avant de devenir l’Hôpital Habib Thameur à l’Indépendance.

En 1945, et pour la première fois, un ministère des Affaires sociales comprenant le département de la Santé fut coiffé par un Tunisien.

Un personnel paramédical diversifié était formé, des centres de protection maternelle et infantile étaient installés dans les hôpitaux et des centres médico-scolaires étaient confiés à un corps de médecins inspecteurs.

L’année 1950 vit la création du centre Lamine 1er consacré à la lutte antituberculeuse et de l’Institut d’Ophtalmologie à la lutte contre le trachome. La même année, l’infirmerie dispensaire du Kef était érigée en hôpital régional pourvu d’un préventorium.

La médecine privée était florissante. Les cabinets médicaux étaient concentrés dans les grandes villes, en rapport avec le niveau économique des habitants. Les médecins des hôpitaux, mal rétribués, consacraient le meilleur de leur temps à la clientèle privée tout en fournissant des soins gratuits aux indigents.

Le tableau suivant, emprunté à J. Magnin[1] nous donne l’effectif des médecins qui exerçaient en Tunisie en 1953 et en 1958.

 

Tunisiens musulmans Tunisiens israélites Français Autres Total
1953 100  (18%) 56 ? (10%) 350  (63%) 47 553
1958 130  (29%) 67 ? (15%) 207  (46%) 38 442

 

[1] Magnin J. Médecine d’hier et médecine d’aujourd’hui. Revue de l’Institut des Belles Lettres Arabes (IBLA), Tunis 1957, 80, pp. 393-416.

Au lendemain de l’Indépendance, le Gouvernement fit de l’élément humain une priorité nationale. Il proclama, dans la Constitution, le droit à l’enseignement et à la santé pour tous. Les perspectives décennales 1962/1971 fixaient comme objectif la promotion de l’homme appelé à évoluer dans une société saine et dynamique. Les investissements sociaux avaient atteint, dans les années 60, plus de 50% des investissements.

La planification définissait les actions à entreprendre. Face à la pénurie du personnel médical, le gouvernement procéda au recrutement contractuel d’un grand nombre de praticiens, en majorité des pays de l’Est, et multiplia les bourses de formation de médecins en France et à l’étranger.

Le plan quadriennal dégageait, en matière de santé, les trois grands axes suivants :

- L’équilibre démographique et l’intensification de la prévention et de l’hygiène sociale

- L’optimisation du rendement de l’hôpital par l’implication des médecins à y exercer à plein temps

- La création d’un enseignement médical

Depuis la fin des années 80, on a vu la naissance de l’industrie pharmaceutique en Tunisie, ainsi que le développement de l’industrie des dispositifs médicaux. Depuis les années 2000, La Tunisie est devenue une destination privilégiée pour les soins à l’étranger et a su se distinguer en tant que pays de choix dans le secteur du tourisme médical.

Tout cela a permis à la Tunisie d’avoir une position de leader en Afrique en terme de recherche et publication scientifique, la rendant un des meilleurs systèmes de santé du continent.

 

Ce document a été élaboré à partir de plusieurs sources :
Conférence inaugurale pronocée par le Dr Amor Chadli lors des des travaux de la Réunion franco-tunisienne de l'Académie nationale de Médecine de France, Tunis, 21 octobre 2010
Analyse Sectorielle de la BIAT sur le secteur Pharmaceutique
Données de l’organisation mondiale de la santé OMS
Données du ministère de la santé Tunisien
Présentation du CNIP : Chiffres de l’Industrie Pharmaceutique
2018
https://www.scimagojr.com
https://ourworldindata.org/health-meta